Cédric Bouteiller
L’homme voit son travail comme une action acquisitive, une fusion de techniques qui oscillent entre prise de vue photographique moderne, peinture contemporaine, graffiti, retouche numérique ou collage. Chiner constitue par ailleurs une activité artistique essentielle à son action. Cédric Bouteiller fouille, récupère ou déchire les papiers et affiches de l’espace public.
En fait, cet artiste-là est aussi alchimiste. Beaucoup ont utilisé les pensées alchimiques pour étancher leur soif d’or ou d’immortalité. Mais d’autres se sont en revanche servis de cette pratique pour s’éveiller. Une alchimie mystique pour transcender sa condition, une alchimie mystique pour élever sa conscience. Cédric spécule lui aussi sur l’oxydation de la matière, le durcissement d’un plastifiant, l’évaporation d’une peinture… Autant de résidus aux rendus aléatoires et incertains, qui peuvent alimenter ses peintures : “Tu vois, ça, ça m’intéresse”, dit-il souvent en pointant du doigt un craquellement de vernis ou un dégradé accidentel d’acrylique.
Passez un peu de temps dans l’atelier de Cédric Bouteiller, et laissez votre regard se perdre sur les tables à dessin ou les plans de travail dédiés à ses polys époxydes. Partout, vous trouverez des bacs à peinture, rubans de masquage, bidons de diluants, bouteilles de durcisseur ou de solvants entêtants, dangereuses lames de cutter ou élégants pinceaux en soies naturelles… Sous l’effet de la chaleur ambiante, les résines époxydes durcissent. Irréversiblement. Aussi, certains outils se retrouvent prisonniers de seaux dans d’improbables positions. Stoppés net dans l’élan, l’oubli ou la volonté de l’artiste. Ardent défricheur, Cédric Bouteiller arpente souvent le bitume, seul, à pied ou au volant de sa voiture, un appareil photo toujours à portée de main.
Prêt à déclencher à la moindre singularité visuelle qui pourrait jaillir de son environnement urbain. Cette veille, ce glanage de ressources graphiques lui permet de saisir à l’envie une étrange coulure sur un mur, une tache singulière sur le macadam, de ramasser un morceau de poster dont la forme de la déchirure pourrait l’inspirer : “Les franges, la découpe d’un papier peuvent parfois justifier un bon coup de frein à main”, s’amuse l’artiste. Notes griffonnées, pigments par centaines, cartes de stockage de données numériques, art books au kilo, carnets encrés, monographies ou affiches de cirque en tournée. Entre souvenirs et outils d’avenirs, l’atelier de Cédric Bouteiller est empli d’objets pour créer. composite, entre deux époques et plusieurs continents, son bric-à-brac est nécessaire. L’accumulation lui sert à faire monter les matières, naître les idées. Ici, un encrier chinois en porcelaine, là une armoire vitrée pleine d’énormes marqueurs. Au sol, de petits lacs et étangs laissés par la résine sèche…